La mort d’Hugo Chavez : la fin de la Révolution bolivarienne ?
A 16h25 (heure locale) le mardi 5 Mars, un séisme a secoué la scène géopolitique mondiale, et plus particulièrement son théâtre sud-américain : Hugo Chavez Frias, Président du Venezuela et leader de la Révolution Bolivarienne, est décédé, victime d’un cancer contre lequel il luttait depuis presque deux ans. Bilan de ses 14 ans au pouvoir.
Alors que le Commandante Chavez vient de s’éteindre, le peuple vénézuélien se retrouve orphelin de celui qui les a dirigés depuis 1999. La ferveur de ses partisans est palpable sur tous les réseaux sociaux, Twitter par exemple, où l’on peut trouver des commentaires tel que Juro por Dios y la patria que jamás olvidaré a Chávez y que seguiré impulsando esta revolución hasta mi último aliento… lo juro![1] (@tovarcabello – 7 Mars). D’un point de vue occidental, on considère plus Chavez comme un agitateur sans véritable vision à long terme autre que sa farouche opposition au soi-disant impérialisme américain. Mais quel est donc le réel bilan de Chavez ?
D’un point de vue économique, le Venezuela semble avoir effectué son décollage Rostowien sous la présidence Chavez avec un PIB en augmentation de 245% entre 1999 et 2012[2]. Dans le même temps, son PIB par habitant a augmenté de 169% pour s’établir à 11.132$. Cet enrichissement global est également accompagné d’une augmentation de la population de l’ordre de 6 millions sur la période, ce qui permet de comprendre pourquoi la population locale idolâtre ce Commandante, d’autant plus que le taux de chômage a reculé de 45% sur la période pour s’établir à 8% en 2012. Les dépenses de santé par tête sont, elles, passées de 231$ à 663$ entre 1999 et 2010 et l’espérance de vie à la naissance était de 74 ans en 2010. Ces chiffres font montre d’un bilan relativement honorable des années Chavez.
Un bilan économique à relativiser, un legs politique encore plus douteux
Toutefois, ces chiffres sont à tempérer. La Révolution Bolivarienne a uniquement survécu parce qu’elle a bénéficié d’un coup de pouce exceptionnel dû à la découverte de gisements de pétrole qui ont subventionné tout le programme socialiste et, osons-le, populiste de Chavez. Avec le prix du baril de Brent passant de 10$ début 1999 à 110$ fin 2012, avec notamment un pic à plus de 145$ en juillet 2008, le gouvernement vénézuélien a bénéficié d’une manne financière extraordinaire qui lui a permis d’affirmer sa rhétorique anti-américaine sans craindre les conséquences d’un éventuel embargo. Les exportations vénézuéliennes sont d’ailleurs quasiment exclusivement pétrolières (93% des exportations de biens en 2010). De plus, sur la période 1999-2012, l’inflation s’établit à 22% en moyenne, ce qui grignote l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages vénézuéliens. Surtout, le taux de pauvreté atteint tout de même 32% en 2011 malgré une baisse spectaculaire depuis le début des années 2000.
Aujourd’hui bien qu’emprunts de Chavismo, les héritiers du Commandante sont au défi de concevoir la nouvelle stratégie vénézuélienne. Les alliances avec les pays les moins démocratiques du monde, de l’Iran à la Russie en passant par Cuba, vont-elles rester d’actualité tout en renforçant la rhétorique anti-américaine ? La dépendance au pétrole pour financer les importations nécessaires au développement de l’économie va-t-elle se pérenniser ? Ou vont-ils opter pour une marginalisation moins forte, vis-à-vis des pays de l’OCDE, leur permettant de développer leur commerce et donc, à terme, leur économie ? Tout reste à faire dans un pays encore en construction et dont l’image à l’international doit se distancier de l’héritage encombrant de Chavez afin de se renouveler et d’avancer.